Pierre Chareau est né en 1883 à Bordeaux. Il étudie à L’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts puis débute sa carrière dans la firme britannique Waring and Gillow qui produit des meubles dans le style Arts & Crafts. En 1919, il ouvre son propre atelier de création au 54 rue Nollet, Paris 17e qui fait déjà figure de manifeste. Tout un savant système de cimaise permet l’accrochage de tableaux, d’étagères, d’un système d’éclairage mais aussi de bureau ! L’évolution de son style est particulièrement intéressante.
Ses premières pièces de mobilier, une paire de bergères notamment, rappellent le style Restauration qu’il délaisse ensuite pour laisser place à une certaine influence anglaise. L’inspiration viennoise, de Josef Hoffman à Aldof Loos, est aussi particulièrement marquante. Précurseur du mouvement moderne, il fréquente les avant-gardes de l’époque et se lie d’amitié avec Paul Poiret, Max Jacob, Marcel l’Herbier, Hélène Henry, Mallet-Stevens. Durant toute sa carrière Pierre Chareau a conçu un ensemble homogène et équilibré, entre l’architecture et le meuble. Son style échappe à l’éphémère. Il réalise des pièces uniques mêlant bois précieux et tubes d’acier ou métal. Sa logique « d’ingénieur-constructeur » le mène à une réflexion rationnelle. Il prend d’ailleurs part à l’UAM (Union des Artistes Modernes) dès 1930. Pierre Chareau est particulièrement connu pour sa principale majeure : la Maison de Verre (1928-1931) réalisée pour le docteur Dalsace. Sa conception architectonique du meuble est sans limite. Le métal lui offre une infinité de possibilités. Il collabore dès 1923 avec l’artisan Dalbet qui produit des pièces de grande facture. Rapidement, les petites pièces des débuts, jardinières, pare-feu… évoluent vers des conceptions plus complexes, comme les luminaires mêlant albâtre et bois précieux. De la ligne au volume, Pierre Chareau met en place un vocabulaire stylistique reconnaissable entre tous, digne d’un artiste de renom. Ses luminaires sont de véritables oeuvres cubistes. Le métal est l’un de ses matériaux de prédilection. Non poli, brut, martelé, polissé à chaud puis ciré, toutes ces étapes ne sont permises que par l’artisanat et la petite série. Marc Velley auteur de l’ouvrage de référence sur l’artiste s’exprime en ces termes à propos de l’usage de ce matériau : « Jusque dans son utilisation du métal, pourtant matière industrielle par excellence, il reste l’homme de la pièce unique, travaillant avec les artisans et non avec l’usine. » (in Pierre Chareau Architecture-meublier 1993-1950, p. 147). Exilé aux Etats-Unis à partir de 1940, Pierre Chareau conçoit une dernière réalisation en 1947 pour le peintre Robert Motherwell, avant de s’éteindre en 1950.
Pierre Chareau a imaginé toute sa vie des pièces sculpturales s’inscrivant dans des ensembles cohérents pensés comme un tout. L’élaboration de son style ne peut être distincte de son grand savoir-faire : inventeur de la menuiserie métallique, précurseur de l’usage de l’éclairage indirect… Pierre Chareau fait preuve d’une grande modernité sans pour autant être dénuée de poésie.